C'est là que je suis né et, sur cette colline
L'église qui domine m'y a vu baptisé
C'est lendemain de fêtes, le temps fait grise mine
Les voiles ne claquent plus, le mistral est tombé
J'ai lu dans le journal qu'il y a cent ans à peine
Sur un lit d'hôpital, Arthur Rimbaud souffrait
Revenu de pays où se brisèrent ses ailes
Échouant dans ce port, à mon âge il mourait
Une moitié de vie suffit-elle à un homme
Pour devenir un homme et comprendre la vie ?
Que, pour lui, les années qu'il espérait en somme
N'auraient que rabâché les mêmes litanies
Alors est-ce renaître ou bien traîner sa mort
Que de dépasser l'âge où Rimbaud a fini ?
Est-ce que ce bateau ivre ancré dans le Vieux-Port
Attend un capitaine ou est mort avec lui ?
Par les bleus soirs d'été, j'irais par les chemins
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue
Alors tu reviendrais pour me donner la main
Et l'on se sentirait tous les deux moins perdus
Je veux croire aujourd'hui que des portes s'entrouvrent
Qu'une plus longue vie aurait pu t'apporter
Les voies que tu sentais peu à peu se découvrent
Ce sont les ignorants qui partent les premiers
Je lis dans le journal qu'un homme entre deux âges
Sur les eaux du Vieux-Port, a été aperçu
Ce drôle de capitaine abordait le grand large
Sur un drôle de bateau. Tous deux ont disparu
C'est là que je suis né et, sur cette colline
L'église qui domine m'y a vu baptisé
Aujourd'hui c'est la fête, le temps fait bonne mine
Les voiles claquent au vent, le mistral s'est levé